Le 12 juin 2025, Finance Innovation et Testamento ont réuni plusieurs experts du monde de l’assurance et de la prévoyance pour une table ronde consacrée à un sujet souvent perçu comme secondaire, mais qui s’avère central : la clause bénéficiaire. Animée par Anaïs Bréger (Deloitte), cette rencontre a rassemblé Franck Claisse (Allianz France), Yann Quéré (Lourmel), Éric Marrel (Cegedim Assurances) et Virgile Delporte (Testamento).
La problématique est claire : des clauses mal rédigées, obsolètes ou imprécises génèrent des situations complexes avec des bénéficiaires introuvables, des dénouements retardés, des contentieux et même des redressements fiscaux. La CPRP (Commission de contrôle des assurances et des mutuelles) a d’ailleurs renforcé ses exigences en novembre 2024, invitant l’ensemble du secteur à améliorer la qualité des clauses bénéficiaires.
Un enjeu sociétal sous-estimé, aux conséquences bien réelles
Les intervenants ont souligné l’évolution profonde de la société française. Yann Quéré rappelle qu’au sortir de la guerre, le schéma standard était simple : « monsieur travaillait, madame et les enfants étaient bénéficiaires ». Aujourd’hui, cette réalité a radicalement changé avec :
- Des familles recomposées plus nombreuses
- Des personnes isolées souhaitant transmettre à des associations
- Des bénéficiaires hors cercle familial traditionnel
- Des situations patrimoniales plus complexes
Chez Lourmel, 2/3 des adhérents formulent désormais une clause particulière plutôt que d’accepter la clause standard, avec un âge moyen de 46 ans – moment charnière où les préoccupations de transmission émergent.
Les défis de la personnalisation
Eric Marrel (Cegedim) a mis en perspective les attentes croissantes des clients : 75% des Français demandent plus de personnalisation, mais seulement 18% estiment que leurs conseillers connaissent suffisamment leur contexte. Ce paradoxe illustre le défi majeur : concilier personnalisation et efficacité opérationnelle.
La clause bénéficiaire se situe au croisement de trois univers souvent incompatibles :
- Le juridique : exigeant précision et sécurité
- Le commercial : privilégiant fluidité et rapidité
- L’humain : nécessitant du temps pour des décisions intimes
L’Innovation technologique comme solution
Face à ces enjeux, la technologie devient une réponse pragmatique. Virgile Delporte a présenté la solution développée par Testamento, déployée chez plusieurs grands acteurs dont Allianz depuis 2021. Cette innovation répond à un constat simple : la mise à jour manuelle des clauses était devenue dissuasive pour les assurés et les conseillers.
La solution Beneficiary propose :
- Un parcours guidé pour conseillers et clients
- Des clauses types ou personnalisées selon les besoins
- Une génération automatique de documents juridiquement valides
- Une signature électronique sécurisée
- Une intégration dans les processus existants
L’Innovation technologique comme solution
Face à ces enjeux, la technologie devient une réponse pragmatique. Virgile Delporte a présenté la solution développée par Testamento, déployée chez plusieurs grands acteurs dont Allianz depuis 2021. Cette innovation répond à un constat simple : la mise à jour manuelle des clauses était devenue dissuasive pour les assurés et les conseillers.
La solution Beneficiary propose :
- Un parcours guidé pour conseillers et clients
- Des clauses types ou personnalisées selon les besoins
- Une génération automatique de documents juridiquement valides
- Une signature électronique sécurisée
- Une intégration dans les processus existants
Allianz et Lourmel : retour sur un déploiement réussi de la solution Testamento
- Chez Allianz France, Franck Claisse revient sur un déploiement progressif mais structurant de la solution. Le projet a débuté dès 2020, en pleine crise sanitaire, sous forme de POC, avant d’être étendu à l’ensemble des 9 000 collaborateurs du réseau. Fort de son succès, l’outil a ensuite été mis à disposition des agents généraux en 2024. Les retours des utilisateurs sont, selon lui, « extrêmement positifs », tant sur la simplicité d’utilisation que sur l’impact concret dans la relation client.
- Du côté de Lourmel, Yann Quéré confirme une adoption fluide de la solution. Les équipes RH comme les salariés s’en sont rapidement emparés, ce qui a permis d’améliorer sensiblement la gestion interne des clauses. Il note également une réduction tangible des risques de contentieux et un gain de fiabilité sur les données utilisées pour le provisionnement.
Les bénéfices concrets pour les assureurs d’une clause bénéficiaire maîtrisée
L’intervention d’Eric Marrel a détaillé les avantages concrets :
- Sécurisation : Clauses à jour, bien rédigées, avec identification complète des bénéficiaires
- Valorisation : Permet aux DRH de mieux communiquer sur le package prévoyance, souvent « dernière roue du carrosse » après la mutuelle santé
- Fidélisation : Crée un lien régulier avec l’assuré sur un contrat généralement « invisible »
- Conformité : Répond aux exigences réglementaires croissantes
Le panel a également soulevé un point marquant : les appels d’offres des grandes entreprises intègrent désormais quasi-systématiquement la digitalisation de la clause bénéficiaire comme critère de sélection. Cette évolution transforme un enjeu technique en avantage concurrentiel.
Quand l’IA structure l’aide à la décision sans remplacer l’expertise
Virgile Delporte a évoqué les perspectives liées à l’intégration de l’intelligence artificielle dans la gestion des clauses bénéficiaires, en soulignant d’emblée ses limites. L’IA ne saurait, selon lui, tout résoudre seule, notamment en raison des risques d’hallucination ou d’erreurs d’interprétation dans des situations sensibles. L’approche retenue par Testamento repose donc sur une hybridation pragmatique : une algorithmie fiable et éprouvée structure les parcours guidés, tandis que l’IA intervient en appui, pour accompagner la décision, automatiser certains contrôles de conformité et détecter des signaux faibles susceptibles d’indiquer qu’une clause devrait être révisée.
Nouvelle donne juridique : adapter les outils pour mieux sécuriser la clause bénéficiaire
La table ronde a abordé une récente décision de la Cour de cassation confirmant la validité des clauses rédigées par l’assuré seul. Cette évolution renforce l’importance pour les assureurs de proposer des outils de qualité pour canaliser et sécuriser les modifications.
En matière de sécurité, les solutions intègrent :
- Des contrôles automatisés sur l’âge et les modifications suspectes
- La traçabilité complète des opérations
- Des signatures électroniques de niveau 2
- La détection d’abus potentiels via IA
Les bonnes pratiques pour amorcer le changement
Pour les assureurs souhaitant se lancer, Virgile Delporte recommande :
- Ne pas céder à la panique face à l’ampleur du chantier
- Commencer par un audit de l’existant (clauses standard harmonisées)
- Procéder par étapes avec des pilotes
- Privilégier des solutions externes « plug and play »
- Prévoir l’intégration progressive aux SI existants
La clause bénéficiaire, un pilier stratégique de la transformation assurantielle
Loin d’être un sujet de niche, la clause bénéficiaire s’impose désormais comme un levier structurant pour les acteurs de l’assurance. Elle concerne directement une immense majorité de la population active, avec 87 % des salariés couverts par un contrat de prévoyance collective, et s’inscrit pleinement dans le cadre de l’assurance vie, produit d’épargne préféré des Français.
En parallèle, elle devient un marqueur d’image et de responsabilité pour les assureurs, dans un contexte où les attentes des assurés en matière de transparence, de personnalisation et de fluidité ne cessent de croître. La transformation digitale de cette clause, longtemps différée pour des raisons techniques ou budgétaires, apparaît désormais incontournable. Elle répond à la fois aux nouvelles exigences réglementaires, à la recherche d’efficacité opérationnelle, et à une pression concurrentielle de plus en plus marquée.