Le 30 mars 2022 l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) publie une nouvelle sanction. Cette publication apporte quelques précisions importantes sur la position de l’ACPR pour ce qui touche aux contrats en déshérence. C’est l’occasion d’analyser les points essentiels que tout assureur ou toute mutuelle se doit de respecter. Ce document n’a pas l’ambition d’être exhaustif. Il vise simplement à mettre l’accent sur les points principaux qui ressortent des derniers éléments publiés.
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1. Déshérence & ACPR. Rappel des exigences clés issues de la réglementation
La réglementation des contrats en déshérence ne se limite pas à la seule Loi Eckert de 2014. Elle comprend, outre des obligations générales issues du code des assurances, huit lois publiées entre 2005 et 2021. Il s’agit des textes de loi suivants :
- 15 décembre 2005 (N° 2005-1564)
- 17 décembre 2007 (N° 2007-1775)
- 26 juillet 2013 (N° 2013-672)
- 29 décembre 2013 (N° 2013-1279)
- 13 juin 2014 (N° 2014-617 dite Loi Eckert)
- 9 décembre 2016 (N° 2016-1691dite loi Sapin II)
- 22.05.2019 (N° 2019-486 dite Loi PACTE)
- 26 février 2021 (N° 2021-219)
Deux exigences principales
Première exigence essentielle : l’obligation d’identification des assurés décédés. Cette obligation date d’avant la Loi Eckert. Par exemple, la Loi 2007-1775 qui modifie l’article L. 132-9-3 du code des assurances. Cette loi oblige les assureurs à consulter le fichier INSEE des personnes décédées. Ce fichier est le RNIPP (Répertoire national d’identification des personnes physiques). Les textes ultérieurs précisent la périodicité de cette consultation (annuelle avec la Loi 2013-672). Ils introduisent aussi une obligation de communiquer à l’ACPR le nombre et l’encours des contrats non liquidés pour lesquels les adhérents ont dépassé l’âge de départ en retraite. La loi 2016-1691 précise aussi les moyens mis en œuvre pour les en informer.
Deuxième exigence essentielle : l’assureur doit, dès qu’un décès est connu, rechercher le ou les bénéficiaire(s) du contrat. La Loi Eckert (2014-617) impose cette obligation. Les assureurs doivent notamment contacter l’administration fiscale et consulter le notaire en charge de la succession.
2. Les obligations des assureurs et des mutuelles
2.1- Pas d’exception suivant la nature des contrats.
C’est là un des griefs que l’ACPR a formulé très tôt suite à ses missions de contrôle dans ses sanctions rendues publiques.
L’ACPR s’est basée dans sa sanction 2013-03 bis sur « les dispositions de l’article L. 132-8 du code des assurances combinées avec celles de l’article L. 132-9-3 de ce code, qui imposent aux assureurs de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour traiter sans aucune distinction l’ensemble des dossiers pour lesquels une information de décès par interrogation du fichier RNIPP a été obtenue ».
Dans la sanction 2013-05 un des griefs de l’ACPR porte sur un périmètre « incomplet » certains assurés (décès antérieur à 1978, contrats collectifs de retraite ..) avait été exclus. Par ailleurs, l’ACPR établit clairement que la prescription trentenaire ne s’applique pas « l’article L. 132-9-3 du code des assurances ne prévoit aucune exclusion ou limitation quant à la recherche de l’éventuel décès des assurés sur la vie ; qu’en particulier, il ne comporte aucune mention de la prescription trentenaire et de ses effets ».
Déshérence & ACPR : des précisions importantes en 2014
L’ACPR précise (sanction 2014-01), que des contrats collectifs sont bien soumis aux mêmes obligations que les autres contrats « des portefeuilles importants de contrats d’assurance vie ont été exclus du périmètre de cette identification, notamment les contrats collectifs ».
Avec la sanction 2014-09, l’ACPR fait une référence claire au contenu de son rapport annuel de l’année 2012 en indiquant dans sa sanction : « le caractère général de cette obligation, dont le champ n’exclut pas les contrats considérés de faible montant et ceux dépourvus, par nature, de provisions mathématiques ». Les contrats de prévoyance dits temporaire décès sont donc clairement inclus dans le champ de cette réglementation.
En 2019, (sanction 2019-02) l’ACPR définit plus largement encore les contrats concernés comme portant des
« engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine; qu’il en résulte qu’aucun engagement répondant à cette définition ne saurait être écarté du dispositif ». Cette définition est un moyen d’inclure des contrats de prévoyance sans valeur de rachat. Et l’ACPR précise encore l’obligation de « mettre en œuvre les moyens nécessaires permettant une recherche générale et systématique du décès éventuel de leurs adhérents et ce, en n’excluant de leurs recherches aucune catégorie de contrats ». A noter qu’un des organismes sanctionné avait saisi le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a intégralement confirmé cette position de l’ACPR par sa décision n° 438374 du 7 octobre 2021.
2.2 Déshérence & ACPR : pas de limites d’âge ou de montant minimum.
L’ACPR a apporté des précisions sur ce point dans son rapport annuel relatif à l’année 2012. Ce rapport précise que certains assureurs avaient, à tort, retiré du périmètre des contrats en assurances collectives. Toujours dans son rapport de 2013, l’ACPR précise que « de trop nombreux assureurs ont introduit des critères de sélection ou des exclusions de portefeuilles ».
L’ACPR reproche, avec sa sanction 2014-01, à l’assureur que les consultations RNIPP étaient filtrés à tort (âge supérieur à 90 ans et encours au-dessus de 2000 euros). Et indique « ce qui a conduit à rendre pratiquement inopérante l’obligation d’identification des assurés décédés ».
On peut également voir avec la sanction 2014-09, que l’ACPR précise que le périmètres doit être complet. Il est écrit « les consultations du RNIPP effectuées […]ont porté sur un périmètre incomplet, […] ayant opéré des sélections qui l’ont conduite à tort à écarter un nombre significatif d’assurés ».
2.3 Une délégation de gestion ne retire aucune obligation à l’assureur ou à la mutuelle.
L’ACPR précise clairement (sanction 2021-02) que la présence d’une délégation de gestion ne réduit pas les responsabilités de l’assureur ou de la mutuelle. Précisément l’ACPR indique : « Cependant, la délégation de gestion d’une partie des contrats « article 83 » est sans incidence sur l’obligation dans laquelle se trouve l’assureur de respecter, pour ce qui les concerne, son obligation d’information annuelle. »
2.4 Dans le cadre de contrats collectifs informer l’entreprise ne suffit pas.
Tout récemment, avec sa sanction 2021-02, l’ACPR écarte l’argument suivant lequel informer l’entreprise suffit. L’ACPR indique « l’entreprise d’assurance n’est débitrice d’une obligation d’information annuelle que vis-à-vis de l’entreprise qui a souscrit le contrat ». L’entreprise d’assurance est donc tenue d’informer chaque adhérent et non pas uniquement l’employeur qui a souscrit le contrat.
Déshérence & ACPR : en synthèse
Il apparaît, en synthèse, que la position de l’ACPR est restée stable depuis 2013. Trois points ressortent des derniers éléments publiés :
-1- Il ne saurait être question d’exclure des contrats ou des assurés du champ de cette réglementation.
À ce titre, la récente décision du Conseil d’État est sans ambiguïté. Sont concernés non seulement les contrats d’assurance-vie, les contrats collectifs de retraite mais aussi les contrats de prévoyance qu’ils soient collectifs ou individuels. On peut se référer au rapport annuel de 2019 de l’ACPR. Ce document indique : « Leur champ, qui ne saurait être réduit aux seuls contrats d’assurance sur la vie présentant une dimension d’épargne, s’étend donc aux garanties invalidité permanente et absolue IPA / décès et temporaire décès, qui ont le caractère d’engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, même lorsqu’elles figurent dans des contrats de prévoyance incluant des garanties hors assurance-vie. ».
-2- L’obligation des entreprises d’assurances porte bien sur une information des adhérents dans le cadre de contrats collectifs et non pas uniquement sur une information du contractant.
Nous l’avons indiqué ce point ressort clairement de la dernière sanction en date (2021-02).
-3- Une délégation de gestion ne réduit pas les obligations des entreprises d’assurances.
Cela est à noter car dans le cadre des contrats collectifs il peu y avoir une délégation plus ou moins importante. Malgré cela l’entreprise d’assurance reste donc responsable.
Note : les sanctions ACPR sont parfois publiques et peuvent être anonymisées. Pour ce qui est des six sanctions concernant la déshérence, l’ACPR a tenu à rendre public ses décisions, mais avec une anonymisation après cinq années. Ce délai est déjà atteint pour les premières sanctions, c’est pourquoi nous n’indiquerons pas les noms des entreprises d’assurances concernées.