La déshérence est en forte hausse pour l’assurance-vie. Parmi les rares indicateurs qui permettent de suivre les tendances de la déshérence dans l’assurance, les montants transférés à la Caisse des Dépôts sont souvent cités. Or, ce chiffre ne concerne que les contrats qui sont transférés après une période de dix ans. Nous nous sommes donc intéressés aux montants identifiés (mais non réglés) que les assureurs déclarent dans le cadre du dispositif Agira. Et cet indicateur là, même s’il ne concerne pas que des contrats en déshérence, montre une hausse beaucoup plus importante avec des flux qui augmentent fortement.
Trois raisons peuvent expliquer cette hausse
Trois raisons principales expliquent que pour ce qui est des contrats en déshérence c’est loin d’être fini. Premièrement, la réglementation déjà très riche vient élargir le périmètre. La loi du député Daniel Labaronne adoptée en février instaure en effet de nouvelles obligations pour les assureurs en matière de déshérence sur les contrats de retraite collectifs. Deuxièmement, l’ensemble des acteurs a mis en place des procédures qui se sont renforcées au fil des années. De ce fait les contrats en déshérence sont davantage détectés, suivant le principe que plus on cherche, plus on trouve. Enfin, un facteur démographique entre aussi en jeu. Les baby-boomers qui possèdent une part importante des actifs en assurance-vie vieillissent. Et cette classe d’âge nombreuse vient mécaniquement augmenter les cas des contrats en déshérence.
Elargissement du périmètre
Nous l’avons abordé en détail dans un précédent article, la Loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire élargit le champ. Dès la publication des décrets, les contrats retraite collectifs (les fameux Article 83) seront concernés. Les obligations qui incombent aux assureurs sont plus faibles que pour les autres contrats. Mais dans le même temps l’identification des bénéficiaires est plus difficile notamment en raison de la mauvaise qualité de la data. Au moment où l’on reparle d’une réforme des retraites, il est probable que ces contrats collectifs vont devenir un sujet clef.
Mise en place de procédures.
Les assureurs ont dû mettre en place toute une batterie de mesures. Au fur et à mesure du renforcement de l’arsenal juridique et réglementaire, il leur a fallu adapter leurs procédures. L’obligation de rechercher les bénéficiaires introduite dès 2005 (dispositif Agira) a été renforcée par l’obligation de consulter le fichier INSEE (2007 – Agira 2), puis en 2013 cette obligation devient annuelle. Ensuite, en 2014 arrive la Loi Eckert avec son cortège d’obligations additionnelles. Au cumul, entre 2005 et 2021 ce sont 8 lois qui renforcent les obligations des assureurs. Facteur additionnel, le nombre de sanctions ACPR (5 établissements concernés) et le montant des amendes (plus de 100 millions d’euros au total). Tous ces dispositifs sont à présent rodés et permettent de mieux identifier, et d’identifier plus vite les contrats en déshérence.
Les Baby-boomers vieillissent
La génération du baby-boom détient une part importante des actifs en assurance-vie. Et comme cette génération représente des classes d’âges nombreuses, on comprend vite que les années passant ce sont des cohortes importantes de contrats qui vont arriver à échéance suite au décès des assurés. Mécaniquement les contrats en déshérence vont donc connaître un pic qui reste sans doute à venir.
La déshérence est en forte hausse pour l’assurance-vie depuis 2018
Nous l’avons abordé en effectuant un panorama des montants de la déshérence, les assureurs comme les banquiers doivent effectuer un reporting annuel. Les dispositifs Agira et Agira 2 leur imposent ainsi de déclarer le nombre de contrats et les actifs concernés. Par ailleurs, la Caisse des Dépôts publie également des statistiques et des organismes comme Le Cercle de l’Epargne les reprennent régulièrement. Leur étude publiée récemment contient une bonne synthèse des montants en jeu.
Des transferts qui continuent d’augmenter
Une analyse rapide des chiffres indique qu’en 2016 le nombre de contrats et les actifs transférés à la Caisse des Dépôts ont été très importants, et que par la suite les flux sont devenus moins importants. En effet, sur un cumul de 6,49 milliards d’euros de transfert entre 2016 et 2020, 57% l’ont été en 2016. Cela est lié au fait que les assureurs et les banquiers ont traité le stock dans un premier temps puis se sont attachés à traiter les flux. Il convient donc d’analyser séparément les millésimes 2016 et 2017 de la période 2018 – 2020.
Des flux orientés à la hausse
Lorsque l’on observe les données de la Caisse des Dépôts, les montants transférés depuis 2018, on observe que les flux globaux ont augmenté de 22%. Ils sont passés de 549,8 millions en 2018 à 670,2 millions en 2020. Au sein de ce cumul, les contrats d’assurance-vie ont connu une hausse plus importante encore, avec 39% d’augmentation entre 2018 et 2020. On le voit bien, ces flux sont orientés à la hausse.
La déshérence ne concerne pas que les actifs transférés à la CDC
Quantifier l’importance des actifs en déshérence oblige à s’intéresser également aux contrats encore présents au sein des compagnies. En effet, ce n’est qu’après dix ans que les contrats sans bénéficiaire identifié doivent être transférés à la Caisse des Dépôts. Les reportings Agira qui ont été agrégés par la FFA indiquent pour 2020 un total de 696 millions d’euros (pour 16 879 contrats) qui n’ont pas été réglés dans l’année alors que le décès de l’assuré est connu. Bien que ces chiffres englobent des contrats qui seront réglés plus tard, cela reste un des rares indicateurs que l’on peut suivre pour estimer la tendance de la déshérence. Une partie de ces actifs non réglés viendront grossir les actifs en déshérence mais ils ne seront transférés à la CDC que dix ans plus tard. Pour avoir une idée des proportions, au titre des identifications de 2020, 464 millions ont été versés aux bénéficiaires.
Des flux en forte hausse pour les assureurs
La Fédération Française de l’Assurance a publié fin mai les données 2020. Mais ce reporting Agira existe depuis l’année 2016. Les derniers chiffres que l’on vient d’analyser peuvent donc être comparés à ceux d’il y a cinq ans. Et cette analyse est très instructive. En effet, le montant des actifs des contrats qui ont été identifiés mais n’ont pas été réglés dans l’année est passé de 373 millions en 2016 à, comme nous l’avons indiqué, 696 millions en 2020. Cela représente une hausse considérable de 86%. En 2018, ce même chiffre était de 356 millions, la progression 2018-2020 est donc de 95%, soit un quasi doublement.
Le nombre de contrats également en hausse
Le nombre de contrats « A régler » concernés est en hausse de 92% depuis 2016 ( de 8783 en 2016 à 16879 en 2020). Le même calcul effectué depuis 2018 donne une progression de 91% (8842 contrats en 2016). L’on parle là des contrats » A régler » du reporting Agira. Et cela est indicateur fiable de la tâche qui incombe aux assureurs. Les actions qu’ils doivent entreprendre se mesurent contrat par contrat. Cette hausse importante montre l’importance des trois facteurs que nous avons détaillés. Elle suggère également que la déshérence reste un sujet d’actualité pour les assureurs : les enjeux (en termes de flux) ont fortement augmenté depuis 2016, et ils devraient continuer à augmenter.
Comment s’attaquer à ce problème croissant ?
La déshérence est donc en forte hausse pour l’assurance-vie. Face à l’ampleur du problème, les assureurs doivent bien évidemment appliquer la réglementation. Mais, compte tenu de l’ampleur du phénomène et de son accélération, se mettre en conformité ne sera pas suffisant. La seule voie rationnelle est de s’attaquer à la cause en repensant les parcours de souscription. Et pour faire face aux volumes en jeu, le passage au numérique s’impose.
Une solution : la digitalisation des parcours de souscription
Initier ou poursuivre un effort de digitalisation s’impose donc. Cela pour être à même d’identifier plus rapidement un nombre de bénéficiaires qui va en augmentant. C’est là où l’offre Testamento Beneficiary démontre tout son intérêt. Dès l’étape de la rédaction de la clause bénéficiaire un maximum d’information est en effet collecté. Lors de la vie du contrat des relances annuelles permettent de garder le contact. Enfin, la simplicité de l’outil incite les souscripteurs à adapter leur clause lorsque leur situation a changé. Tout cela se faisant sans augmentation des effectifs pour les assureurs ce qui est un avantage additionnel.