Tribune : faillite de la banque SVB – que dit-elle sur l’écosystème des startup ?

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Faillite de la banque SVB : pourquoi le monde des startups se fait-il si peur aux Etats-Unis ?

Silicon Valley Bank (SVB), spécialisée dans le secteur des startups, vient de faire faillite. Il s‘agit de la plus grosse faillite bancaire depuis 2008 aux Etats-Unis et les conséquences de ce défaut sont à la fois importantes et nombreuses. Au-delà de la perte à venir pour les actionnaires de cette banque, cette faillite accélère brutalement la mutation de l’écosystème des startups depuis un monde où l’argent était facilement disponible vers un monde où il faudra prouver la rentabilité de son modèle pour pouvoir lever des fonds.

Une faillite retentissante

Vendredi 10 mars, les régulateurs bancaires californiens ont annoncé la fermeture de Silicon Valley Bank (SVB), la banque de la moitié des start-up américaines, qui n’a pas pu faire face aux nombreuses demandes de retraits de fonds survenues suite à des craintes sur sa santé financière. Ses clients, dont de nombreuses start-up américaines, craignaient de perdre une partie ou la totalité de leurs dépôts. Les autorités américaines ont toutefois annoncé depuis couvrir tous les retraits de la banque SVB, en faillite, ainsi que l’accès à tous les dépôts d’un autre établissement, Signature Bank, qui a été fermé d’office par le régulateur.

Ces mesures ont été prises conjointement par la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, la Fed et l’Agence de garantie des dépôts (FDIC). La Fed s’est également engagée à prêter les fonds nécessaires à d’autres banques qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients. « Aujourd’hui, nous prenons des mesures décisives pour protéger l’économie américaine en renforçant la confiance dans notre système bancaire », ont indiqué ces institutions dans leur communiqué.

Un bank run et des inquiétudes fortes

La faillite de la SVB a donc provoqué des craintes importantes et légitimes. Au sein de la communauté financière, la taille de SVB inquiétait, pouvant faire craindre un risque systémique. L’année 2023 s’annonce déjà très volatile entre les hausses de taux et une faillite retentissante comme celle-ci. Au sein de l’écosystème des start-up américaines, l’inquiétude est grande également. L’écosystème dépend en effet largement de cette banque. Et cette banque très spécialisée sur le secteur avec des liens avec les cryptos n’est pas une banque comme les autres. Toutefois, la réaction rassurante des autorités américaines a permis de contenir les effets de cette faillite. Les autorités ont contribué à rétablir la confiance.

La remontée des taux a accentué les difficultés et la faillite de SVB

Cette faillite soulève donc des questions sur l’impact indirect du resserrement monétaire de la Fed. Effectué à marche forcée, il a en effet mis les marges des banques sous forte pression, incité des clients à placer leur argent dans des produits financiers mieux rémunérés que les comptes courants et a bousculé le secteur des nouvelles technologies, très gourmand en cash. Techniquement, cette hausse des taux a aussi mécaniquement entraîné une baisse de la valeur de marché des actifs investis par SVB sur des titres obligataires, accentuant son problème de trésorerie alors que la banque avait à liquider des actifs pour faire face à ce bank run. Il apparaît qu’en vendant pour 21 Mds $ de ses MBS (titres obligataires), SVB a dû constater une perte de 1,8 Mds $. SVB a donc pu récupérer des liquidités mais au prix d’une perte égale à son résultat net de 2021. Cela a donc précipité la mise en défaut de la banque.

Dans ce contexte, il peut apparaître choquant d’apprendre que son CEO Greg Becker aurait vendu pour 3,6 millions de dollars de titres au cours de 289 dollars une semaine avant la faillite de la banque. Cette vente s’est faite d’après Bloomberg suivant un accord préétabli, mais il est difficile de croire que le CEO de SVB n’était pas au courant de la situation désastreuse de sa banque au moment de sa vente.

Conséquences en Europe

HSBC vient d’annoncer la reprise, pour une livre symbolique, de la filiale anglaise de SVB. C’est une bonne chose pour l’écosystème britannique alors que le premier ministre insiste sur son ambition de faire de l’Angleterre une puissance technologique. Ce sera peut être une bonne opération pour HSBC suivant la qualité des actifs récupérés ce weekend.

La situation en France est radicalement différente. En France, les start-up utilisent principalement des banques généralistes pour leurs dépôts, ce qui réduit le risque d’une faillite de ce type. En effet, les banques généralistes ont des activités diversifiées, ce qui leur permet de mieux résister aux chocs économiques.

Quelle leçon tirer de cette faillite de la SVB ?

La leçon la plus importante de cette faillite est que le paradigme a changé. Le temps de l’argent facile est définitivement révolu. Les sources de capitaux, qui hier encore étaient disponibles de manière abondante pour financer startups, scale ups et entreprises du secteur de la technologie, se sont clairement taries. La faillite de SVB va accélérer cette bascule vers de nouvelles règles. A présent, ce sont les business modèles clairement orientés vers une rapide rentabilité qui vont devenir privilégiés. Ce phénomène brutal n’est pas une bonne chose, mais la tendance était déjà amorcée. Se financer devrait donc devenir de plus en plus compliqué pour les entrepreneurs et particulièrement ceux aux commandes d’une startup.

Un nouveau paradigme pour les startups

Certains états majors de startup ont découvert et découvrent encore cette dure réalité. On l’a vu ces derniers temps, la quête de rentabilité passe parfois par des restructurations. Certains profils recrutés avec des salaries particulièrement élevés peuvent en faire les frais. Il y a fort à parier que l’on voit moins souvent dans les mois à venir des photographies prises lors de coûteux séminaires. Cette nouvelle période impose de savoir rester frugal. Tant qu’une structure n’est pas rentable, difficile de surpayer les équipes, et encore plus difficile de justifier certaines dépenses.
Au final, comme nous l’enseigne le proverbe, « à quelque chose malheur est bon ». Les équipes des startups vont adopter une attitude plus low key : une belle idée et une équipe nombreuse ne suffisent plus. Modestement, chez Testamento, nous avons su conserver une telle attitude et notre objectif a toujours été la rentabilité, avant de pouvoir, sur une base solide, investir nos propres ressources pour nous développer davantage. Si des entreprises comme la notre ont été un peu occultées par des sociétés réalisant des levées impressionnantes, alors qu’elles réalisaient des pertes toutes aussi impressionnantes, il se peut à l’avenir que notre approche soit davantage mise en avant.

Rédaction et sources consultées

BloombergLe FigaroL’Est républicainL’Usine DigitaleLa Tribune

Tribune rédigée par Stéphane GIRARDOT, head of marketing chez Testamento.