Les contrats en déshérence (non réclamés par les clients) représentent un sujet sensible surveillé de près par l’ACPR. Avec plus de 100 millions d’euros de sanctions à la clé, il est devenu un enjeu fort pour les assureurs. Et ce depuis 2014 avec la mise en place de la loi Eckert sur l’assurance-vie et les contrats de capitalisation. Si les contrats collectifs étaient jusque-là exclus, la donne est en train de changer. Et le périmètre est quant à lui étendu, notamment sur les contrats collectifs de retraites. On estime pour les contrats collectifs qu’il y a 13 milliards en déshérence sur un total de 205 milliards.
Quel est ce chiffre de 13 milliards en déshérence ?
A l’occasion des travaux parlementaires sur le sujet, un chiffre a connu une forte exposition médiatique : 13,3 milliards. C’est une estimation qui a été faite par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). Celle-ci représente le montant des avoirs en déshérence pour ces contrats. Il est utile de préciser le contexte de cette estimation. Et de la comparer aux chiffres plus connus de la déshérence des contrats individuels.
A l’origine : la Loi Eckert
La loi de juin 2014 (dite Loi Eckert) est à l’origine de cette tendance à prendre en compte les sommes en déshérence. Et à responsabiliser banquiers et assureurs. Prévoyant un mode opératoire clair et des sanctions possibles, cette loi a grandement amélioré la situation. Les assureurs se sont mis en ordre de marche afin de répondre aux obligations de cette réglementation. Commençons par rappeler l’importance de la déshérence.
La Loi Eckert s’attaquait initialement à un stock estimé à 4 milliards d’euros. Elle a donc permis, au final, d’identifier un total de 15 milliards d’euros d’actifs en déshérence.
Par ailleurs, en 2013, la Cour des Comptes avait chiffré les actifs en déshérence. A la demande de la commission des finances de l’Assemblée Nationale. A l’époque, les avoirs bancaires étaient estimés à 1,2 milliard et les avoirs assurance à 2,76 milliards. Soit un total proche de 4 milliards d’euros. Ce rapport est disponible sur le site de la Cour des Comptes.
Un second rapport en 2019
Puis, la même Cour des Comptes avait en 2019 publié un second rapport sur l’application de cette réglementation. Ce rapport reconnaissait que les banquiers et les assureurs avaient pris des mesures. On peut y lire que des « effets positifs sont déjà tangibles pour les épargnants ». Mais dans le même temps, il y était aussi indiqué que :
« la déshérence constitue un phénomène […] de grande ampleur, qui n’est pas appelé à se résorber rapidement ».
Et, de fait, on découvre dans le rapport que les assureurs ont versé 2,2 milliards en 2016. Puis deux autres milliards en 2017 au titre de la déshérence. Ce total de 4,2 milliards est largement supérieur à l’estimation faite en 2013.
La Cour des Comptes a donc recalculé les montants en déshérence. Elle établissait que :
« même après le transfert des contrats les plus anciens à la Caisse des dépôts ou au titre de la prescription trentenaire, 4,7 Md€ restaient encore à régler fin 2017 ».
A cela s’ajoutent 6,2 autres milliards de « comptes et avoirs bancaires inactifs encore conservés par les Banques ». Partant d’un peu moins de 4 milliards en 2013 on arrive donc à 10,9 milliards suivant ce rapport de 2019. On se doit d’y ajouter les 5,1 milliards déjà transférés, au 30 novembre 2018, à la Caisse des Dépôts.
A fin 2019 la situation est la même. On trouve de ce fait dans le rapport financier de la CDC 5,5 milliards de stock déclarés à la Caisse des Dépôts.
Les contrats collectifs initialement laissés pour compte
La Loi Eckert a donc eu des effets considérables. Pour autant, son périmètre excluait les contrats de retraite collectifs. Après une première initiative de l’Assemblée Nationale, une Loi vient d’être votée et publiée au Journal Officiel. Elle concerne toute une palette de produits. Du nouveau PER au Perp en passant par Préfon, les contrats Madelin, Corem, les Perco. Mais également les fameux contrats article 83. Nous en avions analysé les impacts dans cet article. Son application, d’après Stéphane Bonnet, le directeur d’Info Retraite, cité par Le Monde, serait effective en avril 2022.
A quoi correspond précisément cette estimation de 13,3 milliards ?
Suivant le même processus que pour la Loi Eckert, les travaux législatifs sur les contrats collectifs ont entraîné une estimation des avoirs en déshérence. Cette estimation a été effectuée par l’ACPR à fin 2016. Le chiffre cité par la presse de 13,3 milliards d’euros correspond aux capitaux constitutifs de rentes non liquidées. Et ce, après l’âge légal de 62 ans. On peut le mettre en relation avec les actifs totaux de ces contrats. Ils ont été estimés à 205 milliards d’euros pour 10 millions d’adhérents. On le voit clairement, la proportion est importante. Les 13,3 milliards représentant 6,5% des encours soit beaucoup plus que les contrats individuels en déshérence.
Aucun mécanisme automatique pour les contrats retraite
Il convient de préciser que pour ces contrats de retraite par capitalisation, il n’y a pas de mécanisme automatique. Lorsqu’une personne ayant des actifs sur un tel contrat arrive à l’âge de 62 ans, il ne se passe rien. De même à 65 ans rien n’est prévu et aucune action n’est prise par l’assureur.
Le mode opératoire de ces contrats est le suivant. Pour bénéficier de la rente prévue, la personne doit en premier lieu demander la liquidation des droits de retraites. À la fois auprès de la Sécurité Sociale, mais aussi auprès des caisses de retraites complémentaires. Ce n’est qu’une fois cette première liquidation demandée qu’il est possible d’obtenir la rente prévue. Mais là encore, nul automatisme. Il faut une démarche active de la part de la personne concernée. Elle doit contacter chaque assureur et demander la liquidation de ses droits.
Choix volontaires et oublis = contrats en déshérence
Les contrats non liquidés à l’âge de 62 ans recouvrent donc deux réalités. D’une part les contrats oubliés, et d’autre part des contrats volontairement laissés en attente par leurs bénéficiaires.
Les contrats non liquidés correspondent bien à des contrats en déshérence. Mais les cas de reports volontaires sont nombreux. Tout d’abord, si l’âge légal de la retraite est de 62 ans, certains continuent de travailler au-delà de cet âge. Et comme nous l’avons vu plus haut, ils ne peuvent donc pas demander à liquider leur contrat retraite complémentaire. Ensuite, une partie des bénéficiaires peut choisir d’attendre avant de demander la liquidation de leur contrat.
Plusieurs exemples peuvent illustrer ce choix :
- pas de besoin immédiat de revenus.
- si tranche fiscale importante l’année de fin d’activité.
- si souhait de laisser se valoriser leur contrat.
- la possibilité de bénéficier d’un taux de rente plus intéressant.
Quelle estimation prendre en compte ?
Le rapport de l’ACPR a établi une autre estimation. Celle des actifs non liquidés à l’âge de 70 ans ou plus. C’est pourquoi, à ce stade, la part des contrats volontairement laissés en attente devient négligeable. Cette estimation était de 1,8 milliard d’euros à fin 2016, soit 0,9% des encours.
Il y a donc un montant indiscutable de 1,8 milliards de contrats collectifs retraite en déshérence.
Ce montant est largement plus faible que les 13,3 milliards. Mais il convient de préciser que le mode de calcul repose sur une consultation de 17 établissements. Et ne couvre donc pas la totalité du marché. Cette somme de 1,8 milliard est donc mécaniquement sous-estimée, mais elle donne une idée de l’importance du sujet. D’autant plus qu’il ressort des rapports publiés sur le sujet que la grande majorité de ces actifs est constituée par un très grand nombre de faibles droits. Derrière ces 1,8 milliard on trouve un nombre très important de bénéficiaires potentiels.
Importance de la qualité de la data
Analyser dans le détail la déshérence des contrats collectifs a donc permis de préciser ce qui se cache derrière le chiffre de 13,3 milliards. Cette analyse permet aussi de prendre la mesure de l’importance de la qualité de la data. Car lorsque l’on se penche sur le rapport de l’ACPR, on y découvre une statistique frappante; principalement sur ces contrats collectifs pour les personnes âgées de plus de 70 ans.
A cet âge-là, dans 75% des cas, les établissements ne possèdent pas d’adresse valable pour les bénéficiaires.
Autrement dit, les assureurs ne sont capables d’identifier correctement qu’un quart des personnes ayant des avoirs dans leurs livres. Cela met en lumière l’importance de la qualité de la data. Nous reviendrons sur ce thème essentiel dans un autre article.
La solution : la traçabilité des bénéficiaires
La meilleure solution pour résoudre ce problème repose sur une meilleure qualité de la data. Sans état-civil complet, sans adresse postale valable, il est en effet très compliqué de retrouver des bénéficiaires. Les notaires connaissent bien cette difficulté et c’est pourquoi ils font appel à des généalogistes. Pour les vieux contrats et pour les bénéficiaires qui ont aujourd’hui 70 ans ou plus, les dispositions de la nouvelle loi que nous avions analysée dans cet article devraient aider à identifier une partie des personnes bénéficiaires d’actifs sur des contrats retraite.
Cependant, la bonne approche consiste à s’assurer dès le début que l’on va pouvoir identifier les bénéficiaires. Une partie de la responsabilité revient aux entreprises. Lorsqu’un contrat de ce type existe, elles doivent transmettre les bonnes informations à l’assureur. Une partie de la responsabilité incombe également aux assureurs. Ils devraient en effet s’assurer, quand ils reçoivent des versements d’une entreprise, qu’ils peuvent et qu’ils pourront identifier les bénéficiaires.
La gestion digitalisée des bénéficiaires comme réponse concrète
Ainsi, pour faire face aux problématiques de déshérence, Testamento a développé une solution appelée “Beneficiary”. Premièrement, elle répond aux besoins des entreprises concernées via une rédaction et une gestion digitalisée des clauses bénéficiaires. Cette solution permet à l’assuré de rédiger avec son conseiller ou en selfcare une clause conforme; correspondant à sa situation. Et ce, dès la souscription du contrat mais aussi pendant la vie du contrat. En deuxième lieu, cela permet également à l’assureur de sécuriser le lien avec l’assuré. Ce dernier recevra des campagnes annuelles l’incitant à mettre à jour sa clause bénéficiaire. La gestion digitalisée favorise l’archivage et la traçabilité des bénéficiaires. Enfin, elle apporte une réponse concrète concernant la lutte contre la déshérence.
En conclusion, la solution Testamento Beneficiary permet donc aujourd’hui de répondre aux enjeux réglementaires de la déshérence. Et cela tout en réduisant les coûts opérationnels du 100% papier. Elle est aujourd’hui à disposition de plus d’un million d’assurés. Tant sur des contrats d’épargne que de prévoyance collective.